Vendège jouait le 4 février dernier au Buzz, l'occasion de rencontrer le talentueux Thibault Marchal porteur de ce beau projet musical et son accompagnatrice principale sur scène Doriane Ayxandri, musicienne de talent elle aussi.
Vendège est le nom de la maison des grand-parents maternels de Thibault. Un ancien château tricentenaire situé dans le Lot et Garonne et imprégné d'une histoire et d'une aura très familiale qui est la représentation parfaite au niveau littéraire du projet. En effet quand Thibault (qui fabrique de la musique depuis environ 12 ans et qui a joué au sein du groupe Ell entre autres) a décidé de confronter tout ce qu'il faisait chez lui, dans l'intime,
sur scène face à un public et voir ce que cela donnait, il a trouvé que le nom de cette maison lui tenant particulièrement à coeur, avait du sens pour ce projet. Ce projet reflétant même l'identité de cette maison.
« Il y a quelque chose de très familial et en même temps de très
très lié à l'enfance et aux souvenirs, à la nostalgie du
souvenir. »
Alors que le projet a débuté avec Thibault seul sur scène, Vendège est avant tout un projet de musiciens porté par l'amour que Thibault leur porte.
Il a d'abord invité Doriane à venir le rejoindre parce qu'ils avaient déjà joué ensemble sur un autre projet (Ell) : « Je sais qu'avec Doriane je vais travailler un peu moins qu'avec
d'autres musiciens, qu'elle va trouver des subtilités mélodiques, des sons qui
vont me ressembler, qui vont me toucher tout de suite qui sont tout
de suite dans la bonne énergie et dans la bonne sensibilité. »
Il y a énormément de musiciens qui gravitent autour de lui et qu'il invite chez lui pour enregistrer tout les sons possibles, cuivres ou cordes en tout genre, ainsi que sur scène dés que possible. Ce ne sont pas les purs techniciens ou les performeurs qui l'intéressent mais plutôt les musiciens qui savent s'amuser avec leur instrument, qui ne recherchent pas la perfection mais qui se font avant tout plaisir et à qui il va pouvoir demander de jouer à côté de leurs habitudes pour retrouver cet amusement et surtout cette texture du son qui l'intéresse tant.
C'est très important pour lui l'acoustique, qu'on sente le bois des instruments alors qu'il y a beaucoup de machines, des sons purement électroniques. Qu'on sente cette patte "organique artisanale" :
« Qu'on sente que j'ai tapé sur un morceau de bois pour faire des
percussions et qu'on entende la résonance dans le bois sur des
violons, violoncelles. »
Et comme le souligne Doriane : « Tu es hyper attaché à la texture des sons en général donc même
les sons électroniques qu'il met dans ses machines la plupart du
temps c'est un son que t'enregistres toi même, qu'il rebidouille.
C'est pas des sons manufacturés de boites à rythme. »
Thibault renchérit :

« J'essaye de rendre chaleureux et organique des machines qui de
réputation sont très froides et qui ont une esthétique froide et
assez austère et pas très humaine, pas très vivante. Et du coup je
me suis entouré, je pense, des bonnes machines qui me permettent de
travailler dans ce sens et qui me permettent de leur donner une vraie
chaleur et une vraie aura musicienne qu'elles n'ont pas forcément à
la base. Je sample énormément. J'enregistre énormément de sons
que je triture, que je rebalance, que je recompose, décompose dans
tous les sens et je pense que le grain Vendège il est surtout dans
la texture. C'est une musique qui n'est que de la texture, je ne
réfléchis que par rapport à la texture. Même quand j'amène des
musiciens chez moi pour enregistrer c'est la texture de leurs
instruments qui m'intéresse. Donc ça veut dire qu'on n'est pas
forcément obligé de jouer l'instrument de manière classique, on
peut très bien le détourner de ces fonctions première et taper par
exemple sur le bois d'un violon, faire grincer un violon d'une autre
manière, essayer de voir comment il peut sonner autrement pour voir
toutes les textures qu'on peut attraper d'un instrument. »
Doriane :
« Et même par rapport au lieu où c'est enregistré, tu vas garder
même des sons, des grincements, la réverbe de la pièce... Le truc c'est qu'on sente le lieu, ce qui fait l'atmosphère du
moment où ça a été enregistré.
»
Thibault :
« La
fragilité en fait du lieu, tout ce qui fait que parfois il y a des
petites erreurs, des imperfections et c'est ça que j'aime.
»
DES INFLUENCES PRINCIPALEMENT NORDIQUES
Les influences musicales de Vendège sont nées de la scène islandaise et se sont ouvertes aux artistes privilégiant souvent une musique électro acoustique. Ce sont des influences variées ne se limitant pas à un genre mais comme le dit Thibault « J'ai en tout cas l'impression que ce qu'on fait se situe entre ce
que fait Sigur Rós d'un côté et si on ouvre la palette jusqu'à ce
que pourrait faire Sufjan Stevens de l'autre côté. J'imagine
qu'entre ces deux artistes là il y a un monde immense et je pense
qu'on se situe là-dedans, dans ce monde là.
»

La découverte de la scène nordique lui vient de sa mère :
« Dans le flot de variété qu'écoutait ma mère quand j'étais jeune,
quand nous partions en vacances et que nous prenions la route en
voiture, elle mettait toujours un album de Björk et à chaque fois je
me disais que je n'étais pas touché par ce qu'elle écoutait sauf
quand elle mettait Björk dans la voiture. Je me disais ça ça me
parle, il y a un truc qui me touche. Et ensuite de Björk j'en suis venu à écouter toute la scène
islandaise, Sigur Rós, Múm.. Tous ces gens qui faisaient des petits
sons bizarres et qui étaient dans une musique très contemplative,
mélodique, quelque chose de très éthéré, de très aérien. Donc
j'ai écouté beaucoup de musiques comme ça. »
Il cite également la grande influence qu'a pu avoir Sufjans Stevens sur son travail :
« J'ai pas mal grandi en écoutant ses albums, tout ce qui était
harmonique, polyphonique, arrangements... Même les trucs les plus
inaudibles qu'il a fait j'en étais fan. »
Ainsi que Syd Matters : « C'est même à cause de Syd Matters que j'ai voulu faire de la scène
parce que je me suis dis c'est pas possible ils sont incroyables, ils
ont l'air de prendre trop de plaisir faut que je vois ce que ça
donne. »
De la scène actuelle, ils aiment énormément de groupes dont Animal collective, Efterklang, Bon Iver, "ces espèces de gros groupes avec plein
de membres partout et avec énormément de musiciens.", Son Lux, le français Sébastien Schuller, la californienne Joanna Newsom, les islandaises de Pascal Pinon ou encore les allemands de The Notwist ou d'Anois.
UN PROJET INTIMISTE
Vous êtes habitués à jouer sur des petites scènes, des petits espaces comme des appartements, est-ce que ça vous plaît ?
Doriane :
C'est
même là qu'on s'y retrouve le plus j'ai l'impression.
Thibault :
Le
projet a quand même une prétention de pouvoir jouer sur des grosses
scènes aussi. Des salles où on se dit qu'on peut faire le
spectacle, faut juste bien réadapter le truc mais ça ne me fait
absolument pas peur par rapport à ce que le projet représente pour
moi dans ma tête. Après c'est clair que actuellement jouer que ça
soit dans des appartements, des lieux insolites, des galeries, des
open spaces, des trucs qui prêtent à l'intimisme ça correspond
vraiment au projet et surtout ça ne nous empêche pas de faire du
bruit parce qu'on a quand même des machines qui sont amplifiées,
tout est en place au niveau rythmique, ça ne reste pas si acoustique
que ça.
On se
fait très très plaisir, on est en connexion directe avec les gens,
il n'y a pas de barrière technique qui amplifie nos voix. C'est
assez jouissif quand on fait la musique qu'on fait parce qu'on peut
vraiment déconcerter, on peut vraiment jouer avec tout, avec la
texture du lieu aussi.
Doriane :
Et même
au-delà de ça, rien que pour l'aspect visuel. L'idée
c'est vraiment qu'on joue un maximum de choses en direct, avec plein
de petits instruments. Thibault a plein de claviers, plein de
machines et moi j'ai plein d'instruments acoustiques et du coup les
petits lieux assez intimistes c'est propice aussi parce que les gens
voient vraiment ce qu'on fait alors que c'est vrai que sur les
grosses scènes on va mettre une distance qui ne permet peut-être
pas à tout le monde d'appréhender tout ça.
Thibault :
On perd
la proximité du spectateur. En fait
on aimerait travailler les grosses scène..
Doriane :
..En
gardant cet aspect là. Faut
qu'on réfléchisse à des systèmes pour qu'on puisse voir vraiment
bien ce qu'on fait.
Thibault :
Faut
qu'on travaille la scénographie pour retrouver la proximité sur des
grosses scènes.
C'est
surtout une histoire de scénographie, de comment faire en sorte de
retrouver ce côté vraiment « Bienvenue chez moi », les
faire rentrer dans notre univers et qu'ils se sentent vraiment pas au
coin du feu, parce que c'est vraiment caricatural, mais dans notre
maison. On les accueille à Vendège, à l'intérieur des murs de
Vendège. Et là on pourra vraiment se faire plaisir.
Après
il faut aussi qu'on muscle un peu le set pour les grosses scènes. Il
faut qu'on le travaille, qu'il y ait des moments qui sonnent aussi
sur des grosses scènes mais il ne faut surtout pas, et je mets un
point d'honneur sur le fait qu'il ne faut surtout pas, qu'on perde
l'intimisme et ce qui fait la force aujourd'hui de nos concerts.
Il y a
des moments vraiment où on est dans l'intime pur, l'introversion à
son paroxysme et j'adore ça. Les gens doivent tendre l'oreille pour
écouter un petit son, un truc, un machin. C'est pour ça que les
salles entre les deux on n'a de plus en plus de mal à s'y retrouver. C'est très dur de proposer le spectacle tel
qu'on l'imagine. Alors soit c'est un truc super intimiste dans un
appart, dans une galerie d'art, dans une église, dans une piscine
vide ou dans une forêt. Ou soit on va sur des vraies scènes, des
vrais plateaux mais pas entre les deux.

UN GROUPE IMAGÉ
À la base Thibault voulait réaliser des films. Il a fait des études de cinéma, a travaillé dans l'audiovisuel mais a trouvé le processus trop frustrant alors qu'en faisant de la musique il pouvait travailler sur un morceau tout une journée et l'avoir le soir. Il a trouvé un moyen d'expression avec Vendège qui ne le bride pas niveau créativité.

Depuis il a signé en son nom quelques bande-originales de films, il travaille actuellement sur la musique du court-métrage
Auguste le pêcheur de Maëlle Ferré. Mais pas encore en tant que Vendège. Ça ne saurait tarder car Vendège est étroitement lié à l'image, l'univers du cinéma.
« C'est une musique qui est très imagée, qui suggère l'image du coup
je suis persuadé qu'il y aura beaucoup de ponts entre tout ce qui
est visuel et la musique. »
Sur scène, ils sont toujours accompagnés d'un petit vidéo-projecteur, caché dans une valise,qui projettent un film pendant l'avant-dernier morceau. Ils ont d'ailleurs travaillé avec des projectionnistes, sur de plus grandes scènes, projetant des vieux films en super 8 sur des toiles de jute.
Ils n'ont pour l'instant qu'un seul clip, Igor, mais aimeraient en développer d'autres avec des créatifs qui ont leur sensibilité dés qu'ils auront plus de temps et de moyens.
ALBUMS
Vendège a sorti son premier EP, Igor, en septembre 2012. Puis Thibault revenant de Chine a proposé gratuitement un EP des fêtes, Guangzhou, en décembre 2012.
En 2013 il a sorti un autre EP totalement gratuit pour la nouvelle
année qui s'appelle le No Bear EP, cinq titres censés être
l'introduction d'un EP qu'il travaille depuis environ deux ans. Cet EP , un huit titres qui s'appelle
N.O.U.R.S., devait sortir en 2014 mais va finalement sortir en 2015.
« Il a mis tellement de temps à sortir
que j'ai même eu le temps d'enregistrer un autre EP.
Donc en 2015 il y a deux albums qui arrivent qui vont dans le sens du
projet et qui sont les plus finis, les plus aboutis. »
L'activité scénique leur a pris énormément de temps, c'est pourquoi les sorties ont été retardées.
DATES DE CONCERT
Vendège sera en concert ce jeudi 19 février dans une boutique vintage à Genève chez "Mamzelle Popeline". Puis les 20 et 21 février toujours à Genève.
Le 18 Mars ils joueront à Nancy pour le festival Home Sweet Home de Off Kultur.
A Paris, Vendège sera en concert le 20 mars au 114, le 25 mars au Réservoir et le 28 avril à l'Ogresse.